Logique économique oblige, le salaire a pu être conçu comme une « compensation » (John Stuart Mill, L‘Utilitarisme, 1904) qui palierait un « dépouillement », une « déperdition » (Karl Marx, Manuscrits de 1844). Pour faire court, le salaire compenserait la perte par le salarié de compétences, d’énergies abandonnées à l’entreprise. Il en résulterait que, tant qu’à payer le salarié, autant lui soutirer le maximum pour ce prix.
Et si l’implication des salariés, leur motivation à s’investir, ne tenait pas à cette loi mercantile mais plutôt à des fonctionnement psychologiques ancestraux ?
L’anthropologue Marcel Mauss mène dans les années 1920 une analyse de diverses sociétés sur leur conception du don. Il arrive à la conclusion que le don est obligatoirement suivi d’un contre-don selon des codes pré-établis. Dons et contre-dons, articulés autour de la triple obligation de « donner-recevoir-rendre », créent un état de dépendance qui autorise la recréation permanente du lien social (Source Wikipedia). Et c’est aussi de cela que parle le travail : le lien social. Nous passons plus de la moitié de notre journée éveillée au travail. Quelquefois, nous cumulons plus de temps d’échange avec nos collègues qu’avec nos conjoint(e)s.
Dans cette logique, il est avantageux pour les deux parties de donner car cela crée plus de liens, et plus de liens entraîne plus de volonté de faire réussir l’autre, et un cercle vertueux s’installe. De plus, le don de soi est une voie universelle d’accomplissement de soi (Olivier Masclef, Le rôle du don et du gratuit dans l’entreprise : théories et évidences, p. 14)
Attention cependant à le faire sans attendre quoi que ce soit en retour. C’est la beauté de la mécanique : un don absolument gratuit et sans arrière-pensée est la condition sine qua non pour enclencher la dynamique. Il faut prendre le risque de perdre… et faire confiance au fait que notre inconscient collectif valorise la bonne volonté. Cela peut être difficile quand nos expériences de vie nous ont appris que les « autres » sont trompeurs et inconstants.
Quelques exemples concrets :
Julien Basquin, manager au sein du Groupe Beaumanoir dit : « Je pense qu’aujourd’hui les salariés du site sont contents de l’entreprise dans laquelle ils travaillent. […] Les productivités ont continué à augmenter et nous ressentions une ambiance sur le site comme jamais nous avions connu !!! » Ce résultat étant le fruit d’un labeur persévérant pour faire évoluer les pratiques dans une logique de « bonheur au travail ».
L’étude de Robert Dur (Gift Exchange in the Workplace : Money or Attention ?) a mis en évidence que l’attention portée par le manager aux employés et inversement génère des économies et que, à l’inverse, le manager désocialisé (ou égoïste) doit compenser son comportement avec du « monétaire » pour motiver ou retenir ses collaborateurs (Source: O. Masclef).
Comment appliquer cette bienveillance ?
Le moyen le plus simple est de rechercher sincèrement le bien de ceux qui vous entourent – subalternes, supérieurs, collègues – avec les moyens dont vous disposez et sans chercher à imposer votre générosité.
Cela peut commencer par dire « bonjour » et « merci » mais peut aller plus loin si vous le souhaitez :
- Management : s’assurer que les objectifs sont clairs, réalistes, partagés, que les moyens sont adaptés, qu’un contrôle valide les réussites et aide à dépasser les faiblesses.
- Gestion-qualité : viser non seulement à réduire la dépense de l’entreprise mais aussi et surtout la dépense d’énergie de ses acteurs. Cela contribue à une efficacité et une efficience plus importante.
- Démarche sociétale, environnementale, « éconologie« …
Il suffit de décider de faire un premier pas. Le suivant se présentera de lui-même :).