Cet article fait le pendant à mon article précédent : « à quoi sert la hiérarchie ?». Il m’a semblé intéressant maintenant de questionner des non-dits, des « évidences », concernant les subalternes. Qui un manager manage-t-il ?
Je prends la question sous un angle à la fois historique et sociologique.
Le subalterne sert à faire ce que son supérieur ne veut pas faire.
C’est la position du subalterne esclave. L’esclave ne doit pas avoir le même statut d’humain que son supérieur de peur de disqualifier ce principe hiérarchique voire de créer une « empathie » qui ouvrirait la porte à une remise en question de l’ordre social. Les supérieurs doivent garder une distance avec leurs subalternes et avoir bien conscience qu’ils sont objectivement « au-dessus » des subalternes (par la naissance, la formation, le titre etc.).
Le subalterne sert à faire ce que son supérieur ne peut pas faire.
C’est la position du subalterne compétent. Sans monter au niveau du supérieur, il devient un collaborateur du fait de sa compétence. Le supérieur ne peut être partout, tout savoir, tout contrôler. Les collaborateurs servent à démultiplier sa propre compétence. D’une certaine manière, les collaborateurs « sont » le supérieur. Le supérieur veille donc à leur inculquer ses directives, sa manière de travailler, sa culture.
Le subalterne choisit de l’être.
Je suis régulièrement surpris du nombre de personnes qui préfèrent être dirigées plutôt que de prendre leurs responsabilités alors même qu’elles auraient la compétence pour décider elles-mêmes. C’est un premier aspect de la question. Je vous renvoie à l’article « liberté et cadre » pour sortir de ce cercle vicieux.
Un deuxième aspect de la question est le choix pleinement conscient, assumé et constructif, de se mettre au service d’un tiers qui devient de facto supérieur. C’est ce que j’ai vécu quelque fois avec mon maître d’aïkido. Servir consciemment et volontairement élève. J’ai rarement tant appris, tant grandi, que dans ces attitudes, ces gestes de dévotion envers un homme qui par ailleurs est mon égal. Il est rare que l’entreprise offre ce genre de relation car peu de femmes ou d’hommes savent endosser avec honneur la posture de « maîtres ». Néanmoins, mon expérience me prouve qu’il y a de la noblesse et de l’élévation pour soi à choisir de collaborer avec des supérieurs malgré leurs failles.
Dans cette attitude, le subalterne :
- Connaît ses limites,
- Sait dire « non, c’est au-delà de mes limites » ou « non, je ne pourrai objectivement atteindre l’objectif attendu dans ces conditions. Que me proposez-vous pour y arriver ?».
- Ne cherche pas à nuire à son supérieur (position de bourreau[1]), ni à en être victime[1] (cf ci-dessus), ni à le sauver (position de sauveur[1]).
- Présente factuellement tous les éléments qui permettent au supérieur de prendre objectivement les bonnes décisions.
Le subalterne ne sert à rien.
C’est la dernière situation. Il se peut que vous vous engagiez dans la voie des entreprises libérées. Dans ce cas, la position mentale de « subalterne » est nuisible à l’entreprise. Elle est remplacée par celle de « rôle ». Chacun a un rôle. Cela ne place personne au-dessus ni au-dessous d’un(e) autre.
Vous pouvez vous dire à la fin de cet article que les quatre situations présentées correspondent à une évolution chronologique depuis l’antiquité. Il n’en est rien. Il existe des témoignages de chacune de ces situations à différents moments de l’Histoire. J’ai malheureusement aussi été témoin de la présence encore aujourd’hui de situations esclavagistes dans certaines entreprises. Mon souhait est que vous fassiez un diagnostic en ce qui vous concerne et que vous ayez les clés pour avancer.
Très chaleureusement, je vous souhaite une belle évolution professionnelle !
[1] Cf. l’article où je présente le « triangle de Karpman » : https://natwanimanagement.wordpress.com/2016/12/20/un-client-fidele-est-ce-la-meme-chose-quun-conjoint-fidele/
Très intéressant ton article. Je n’avais jamais creusé sur la question….
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