Une lectrice de mon blog m’écrivait il y a quelque jours. Experte-comptable, elle souhaitait mettre en perspective son métier et la tendance au développement des fonds propres par les « ressources » (produits) dans le secteur médico-social (IME, ESAT et EHPAD).
Sur le fond, plusieurs éléments conduisent inéluctablement l’Etat à réduire ses dotations à la « solidarité nationale » :
- l’évolution de la courbe démographique et notamment de la balance actifs/ non actifs,
- la politique visant à contenir le déficit public et
- la généralisation du modèle économique classique au domaine du social, du sanitaire et du médico-social .
Il en découle que les structures concernées sont incitées à réduire elles-mêmes leurs dépenses à quantité et qualité de prestation au moins égale. Cela passe par une logique de mutualisation de moyens et de rassemblement des structures en Groupes de plus en plus grand. Il y a quelques années, la ministre de la santé annonçait vouloir réduire en 10 ans le nombre de structures médico-sociales de 30 000 à 3000.
Cela passe aussi par une incitation à diversifier les ressources, ce qui se traduit la plupart du temps par une augmentation du reste à charge du client/usager/patient et par le développement de services annexes de type marchands. L’ouverture du marché il y a quelques années aux entités à but lucratif a accéléré le processus.
Néanmoins, deux grands bémols peuvent être posés à cette tendance actuelle:
1) La pénurie actuelle n’a pas vocation à être durable et en faire une idéologie serait une erreur. Si une grande part de l solidarité se concentre que la population âgée, la courbe démographique plafonnera en 2030 (dans 10 ans seulement) et le plateau qui suivra durera de manière sensible une quinzaine d’années de plus avant que la proportion de jeunes ne reparte à la hausse. Le contexte actuel est tendu, mais il faut le comprendre comme une adaptation sociétale nécessaire par rapport à une problématique donnée et une période n’excédant pas 25-30 ans.
Dans le même temps, les Etats de l’Union Européenne, et en particulier la France, réduisent leur déficit de manière systémique et durable. Il en va de la capacité du bloc européen à survivre à la monté en puissance de l’Inde, de la Chine, à la menace russe et au risque, actuel, de prise de distance avec l’alliée historique américain. L’indépendance économique, si elle est vitale, est suivie de près par l’impératif de la paix sociale en interne. La solidarité envers les plus faibles ne pourra donc être que temporairement réduite.
2) L’approche économique en vogue qui consiste à considérer que la solidarité est possible en marge du profit économique est aujourd’hui largement consensuelle dans le contexte présent. Elle consiste à dire que l’on ne peut donner que ce que l’on a. Pas de profit, pas d’argent à redistribuer.
Cette logique présente cependant un syllogisme, une erreur congénitale: le profit réel ne peut s’entendre de manière indépendante du milieu dans lequel il émerge. Lorsqu’une entreprise décide de licencier 30 personnes sur un site, elle estime faire le profit de 30 salaires. Ce qui est vrai, mais doit être mis en perspective par rapport à des pertes d’énergie, pertes qui vont aussi avoir des répercussions financières : perte de 30 compétences et expériences, perte d’un fonctionnement d’équipe huilé et efficace, long et coûteux à repenser, perte d’image auprès des clients, de la population locale et notamment des politiques qui peuvent représenter des promoteurs ou des freins au développement de l’entreprise. etc.
Le management natwani vise justement à calculer sur un pied d’égalité ces différents facteurs et mesurer si telle ou telle action est réellement « profitable », y compris sur un plan économique. A la question « faut-il licencier 30 salariés » la réponse pourrait être « oui » mais pas sans calcul global. Nous sommes en train de tester ces outils en entreprise. Si vous le souhaitez, vous pouvez participer au test en envoyant un message.
Les structures médico-sociales sont pressées à se conformer à un modèle dans lequel elles ne se reconnaissent pas. Elles tâchent du coup d’inventer des solutions alternatives assurant leur viabilité et une réponse intelligente aux besoins des personnes accueillies/ accompagnées.
Je suis très optimiste sur la capacité de la société civile à être plus ambitieuse, visionnaire et pragmatique que les seules politiques publiques. D’ici les 30 prochaines années, la société va changer, oui, mais ce sera forcément par une prise de conscience de la responsabilité de chacun des acteurs de l’écosystème et l’engagement de chacun, particulier ou entreprise, à contribuer aux causes qui lui importent.