« Autrui » n’est pas qu’un concept philosophique. En fonction de notre conception de « l’Autre », les relations au sein de l’entreprise, avec les partenaires extérieurs et même les concurrents est différente.
Les bébés nous parlent de notre moralité
Paul Bloom et Karen Wynn, chercheurs à l’Université de Yale, travaillent auprès d’enfants en très bas âge pour identifier les mécanismes de la morale (qui fait décider si Autrui fait bien ou mal) et le phénomène de clan (qui fait rejeter celui que ne fait pas partie de son clan). Dans la première expérience, une marionnette tigre tente d’ouvrir une boîte sans succès. Une marionnette chien à T-shirt bleu vient l’aider mais un autre chien à T-shirt marron vient les en empêcher avec brutalité. L’enfant doit ensuite choisir le chien qu’il préfère. Les enfants choisissent le chien bleu, le « gentil », à une écrasante majorité. Dans une deuxième expérience, même scénario mais auparavant, l’enfant doit choisir entre deux sucreries puis le chien marron choisit la même sucrerie que l’enfant et le chien bleu fait le contraire. Cette fois, l’enfant choisit à la fin de l’expérience le chien marron, qui a pris les mêmes sucreries que lui, alors même qu’il s’est comporté de manière méchante !
Nous nous considérons dans le clan de ceux qui sont comme nous, qu’il s’agisse d’une équipe de football, des membres de notre quartier, d’opinions politiques … ou de notre établissement.
Le mécanisme du clan peut nous amener à avoir des comportements totalement contre-productifs pour l’entreprise… et passer inaperçu ! Le phénomène de silos, de chapelles, entre services, entre entités d’un même Groupe/ Réseau, entre niveaux hiérarchiques, présente deux défaut majeurs :
- Il réduit les échanges et donc l’efficacité du système (cf. « Communication en entreprise : l’image des neurosciences »)
- Mais surtout, il rend aveugles les membres du clan sur leurs propres défauts, quitte à rendre acceptable l’inacceptable.
Une entreprise qui n’est plus capable de se remettre positivement et sincèrement en question est vouée à l’échec voire à la nuisance envers autrui.
La démarche d’inclusion d’Autrui, ou comment l’altruisme est vital en entreprise.
Le mécanisme de clan est ancré au plus profond de notre inconscient collectif, comme le montrent ces expériences avec des bébés qui n’ont même pas encore la parole (cf. ci-dessus). La seule solution est donc d’élargir au maximum notre définition du clan et se sentir partie prenante du plus grand groupe possible. Plus grand sera le groupe auquel vous vous sentez appartenir (les êtres humains, les êtres vivants etc.…) moins vous risquez de rester inconscient de ce qui nuit à vous-même ou à votre entreprise.
Que faire des adversaires ?
Vous trouverez pourtant vraisemblablement toujours au sein d’une structure des opposants et vous trouverez toujours des structures extérieures qui se positionneront en concurrents. L’altruisme peut-il survivre à ces attaques ?
En Aïkido, l’on considère que celui qui vous attaque n’est pas un adversaire mais un partenaire qui se trompe de posture. Le mettre à terre ou le projeter efficacement est l’occasion de le ramener à un point zéro de bilan personnel et lui offrir la chance de bénéficier de la relation. Car cette relation, il la recherche. C’est lui qui vient vers vous, et pas vers un autre. Il voit en vous le moyen d’exprimer ce qu’il est, même si sa nature est tordue. Une posture ferme, une technique efficace, vont lui permettre de continuer à avoir une relation avec vous mais sur un mode apaisé ou alors à cesser la relation.
Attention à ne pas soi-même être cet attaquant. Se positionner en concurrent, c’est renier sa posture ferme, sa démarche droite, les valeurs qu’on défend en avançant. Le risque est de tomber par défaut d’équilibre interne, de vision claire ou du fait d’une technique de l’Autre qui serait supérieure à celle que l’on maîtrise.
Revenir à soi
L’Autre nous ramène à nous-mêmes finalement. Qui suis-je ? Quel est le projet que je défends dans cette entreprise ? Quelles sont les valeurs qui me structurent ? Quand je sais qui je suis, je suis davantage en mesure de me positionner au sein de l’entreprise, de m’éloigner des conflits stériles, de construire des partenariats ouverts et fructueux, et surtout, d’être lucide sur moi-même.
Merci à tous ces Autres qui m’ont aidés à me construire, qu’ils aient été aimants et chaleureux ou opposants et violents.