Quelle « rentabilité » pour les institutions sanitaires, médico-sociales et sociales ?

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Le secteur sanitaire, médico-social  et social doit-il chercher à être rentable ? Quel sens la « rentabilité » a-t-elle pour des institutions dont la vocation est d’apporter un soutien aux plus fragiles ? Devons-nous rechercher des « clients » riches et délaisser ceux qui ont peu ou pas de moyens financiers ?

La culture qui guide les choix politiques et managériaux en France aujourd’hui est issue d’un principe qui date des années 90 et qui contrebalançait celui des années d’après-guerre.

A la fin de la 2e guerre mondiale, les Etats tentent de reconstruire un monde alliant croissance économique et développement social en ouvrant largement les vannes des finances.

La crise pétrolière combinée à des revendications sociales fortes (mai 68 en France) crispe les acteurs économiques et politiques qui décident, dans le cadre de ce qui a été décrit par John Williamson comme le « processus de Washington », de redonner la priorité à l’équilibre budgétaire.

 

Le secteur sanitaire, médico-social et social doit-il chercher à être rentable ?

Selon le Management Natwani, la rentabilité se mesure globalement, en termes d’interactions avec les différentes parties prenantes de l’institution : les usagers, les salariés, les partenaires, l’environnement économique, l’environnement sociétal, l’environnement naturel et enfin, le bilan comptable.

La rentabilité réelle ne se mesure ainsi pas seulement à l’aune des finances. Selon nous cela serait comme mesurer l’impact de l’éducation des parents sur les enfants aux revenus que ceux-ci rapportent une fois dans la vie active. C’est intéressant, mais réducteur.

A ce titre, le Management Natwani ne se situe dans aucun des extrêmes décrits plus haut. La politique de l’Etat providence d’après-guerre a eu le travers de désengager les bénéficiaires de leur rôle d’acteur des résolutions à leurs problèmes. A l’appui de cette croyance, certains économiste maintenaient qu’un pays pouvait avoir une dette illimitée car la valeur d’un pays, garantie de la dette, était au-delà du chiffrable.

A l’inverse, le néo-libéralisme en vigueur depuis les années 90 a remis à l’honneur la « bonne gestion », celle qui met en corrélation les ressources et leurs emplois. Le travers de cette approche est la réduction de l’équilibre économique à la seule rentabilité financière. Il est devenu évident que l’humain a dès lors disparu de l’équation de manière mécanique.

Devons-nous chercher à être rentables ? Oui car il est utopique et dangereux d’agir comme si les ressources de notre environnement étaient illimitées. Par contre, la rentabilité doit remettre l’humain à sa place centrale. Si la balance est déficitaire du point de vue financier, il convient que l’équilibre provienne du service rendu aux autres parties prenantes. Jusqu’à présent, il n’était pas possible de corréler les deux pour les mesurer en regard l’un de l’autre. Le Management Natwani développe un outil qui permet de mesurer tant la rentabilité sociétale que la rentabilité financière.

 

Quel sens a la « rentabilité » pour des institutions dont la vocation est d’accompagner les plus fragiles ?

Il y a quelques années, j’ai travaillé dans l’humanitaire en Haïti. Cette expérience a profondément influencé ma conception de « l’aide ». Je suis convaincu qu’aider n’est pas faire à la place de la personne concernée. L’image qui me semble la plus parlante est celle d’un plant de maïs que l’on voudrait faire pousser. Le plant a en lui-même le matériel génétique pour grandir. Ce n’est pas en agissant sur lui directement, en tirant sur sa tige par exemple, que l’on permettra une bonne croissance. C’est en agissant sur son environnement. En lui apportant bonne terre, eau et soleil, il grandira seul, au niveau où sa génétique et sa « volonté » le mènent.

Notre société occidentale a longtemps conçu l’aide comme une action palliative à « l’incapacité » des personnes fragiles. Celle-ci n’est cependant pas totale. Une personne en fauteuil roulant, si elle a le bon matériel, peut vivre de manière totalement indépendante.

Les maladies chroniques (cardiopathies, accidents vasculaires cérébraux, cancer, affections respiratoires chroniques, diabète…) sont la toute première cause de mortalité dans le monde (86% des décès  dans l’Union Européenne[1]). Elles constituent un défi pour le système de santé tant au niveau de son financement que de l’organisation des soins. Leur croissance est exponentielle et présente un coût exorbitant. Un certain nombre d’expérimentations prouvent l’efficacité, pour la qualité des soins et pour l’équilibre budgétaire, des actions d’éducation thérapeutiques visant à rendre le « patient » (« celui qui subit ») acteur de ses soins et de son mieux-être. L’hôpital d’Engered[2] à Göteborg en Suède a été conçu pour permettre aux malades chroniques de vivre aussi longtemps que possible chez eux, en autonomie. Les malades sont formés à faire par exemple eux-mêmes leur dialyse ce qui apporte un gain de confort et une réelle économie (meilleure prévention et moins de dépenses de soins). La Suède est actuellement l’un des seuls pays à gagner en espérance de vie en bonne santé.

La rentabilité au sens natwani envers les personnes fragiles est poursuivie quand  celles-ci sont encouragées à prendre soin d’elles-mêmes, à prévenir plutôt qu’à attendre l’action curative, à avoir à leur niveau déjà une « balance à l’équilibre ». L’institution joue  de son côté un rôle d’étayage, solide et présent autant que nécessaire.

Enfant, je m’étais amusé de partenaires de jeux dont la petite barque avait coulé. Ils écopaient comme des fous mais n’avaient pas pensé à colmater la fuite au fond de l’embarcation !

Investir dans la formation, la prévention, la responsabilisation de chacun, c’est un moyen éprouvé de colmater la brèche.

 

Alors faut-il chercher à avoir des clients riches ? Non, ce serait un contresens par rapport à la vocation des institutions sanitaires, médico-sociales et  sociales. Si l’on choisit d’aider, allons au bout de la démarche. Se faire de l’argent sur le dos des plus fragiles est d’une moralité plus que douteuse. S’engager dans une démarche de rentabilité intégrée, globale, est par contre bon pour l’usager, et pour l’ensemble de l’écosystème dans lequel il évolue.

 

[1] https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2015-HS-page-9.htm

[2] Je recommande le reportage « SOS santé pour tous » diffusé sur ARTE le 31/01/2017 qui présente notamment l’expérience de l’hôpital d’Engered.

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